Quand un médicament courant, pris comme il faut, déclenche une crise de convulsions ou fait perdre la tête à une personne âgée, on ne parle plus de simple effet secondaire. On parle d’hyponatrémie sévère - une baisse dangereuse du sodium dans le sang, souvent invisible jusqu’au moment où il est trop tard.
Qu’est-ce que l’hyponatrémie sévère ?
L’hyponatrémie, c’est quand le taux de sodium dans le sang tombe en dessous de 135 mmol/L. Ce n’est pas une maladie en soi, mais un déséquilibre électrolytique qui peut tuer. Lorsque le sodium chute à moins de 120 mmol/L, on parle d’hyponatrémie sévère. À ce niveau, le cerveau commence à gonfler. L’eau entre en force dans les cellules cérébrales parce que le sodium, qui régule l’équilibre hydrique, a disparu. Résultat : des symptômes neurologiques brutaux.Les premiers signes ? Une confusion, une fatigue soudaine, des nausées. Puis, si rien n’est fait : maux de tête intenses, convulsions, coma, voire mort. Selon le Merck Manual (2023), 68 % des cas graves présentent une confusion. Et près d’un quart des patients avec un sodium sous 115 mmol/L font des convulsions. Le tout peut arriver en 24 à 48 heures.
Quels médicaments sont en cause ?
Ce n’est pas une question de surdose. C’est souvent un médicament pris correctement, sur plusieurs semaines, qui déclenche le problème. Les coupables les plus fréquents sont :- Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) : sertraline, citalopram, fluoxétine. Ils déclenchent le SIADH (syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH), qui fait retenir l’eau et diluer le sodium. Ils sont responsables de 22 % des cas médicamenteux.
- Les diurétiques, surtout les thiazidiques : ils font perdre du sodium par les urines. Ils sont le premier coupable, avec 28 % des cas.
- Les anticonvulsivants comme la carbamazépine et l’oxcarbazépine : ils altèrent la régulation de l’eau. La carbamazépine augmente le risque jusqu’à 5,3 fois.
- Les inhibiteurs de l’ACE, les AINS, les IMAO, et même le MDMA (ecstasy).
La plupart des cas surviennent dans les 1 à 4 semaines après le début du traitement. Et pourtant, beaucoup de médecins ne surveillent pas le sodium pendant cette période critique.
Pourquoi les personnes âgées et les femmes sont-elles plus à risque ?
Les données sont claires : 61 % des cas graves d’hyponatrémie médicamenteuse concernent des personnes de plus de 65 ans. Et 57 % sont des femmes.Pourquoi ?
- Les reins des personnes âgées ne régulent plus aussi bien l’eau et le sodium.
- Les femmes ont un taux de graisse corporelle plus élevé et un volume sanguin plus faible - ce qui rend leur sang plus sensible à la dilution.
- Elles prennent plus souvent des médicaments à risque : antidépresseurs, diurétiques, traitements de l’hypertension.
Un patient de 72 ans qui commence un ISRS peut voir son sodium chuter de 0,8 mmol/L par jour. Dans un cas documenté sur Reddit, un médecin a ignoré les maux de tête et les nausées comme des « effets secondaires normaux » - jusqu’au jour où le patient a eu une crise d’épilepsie. Le sodium était à 118 mmol/L.
Confusion, convulsions, coma : comment ça se passe ?
Le cerveau n’aime pas les changements rapides. Quand le sodium tombe vite, il n’a pas le temps de s’adapter. Les cellules cérébrales absorbent l’eau, gonflent, exercent une pression sur les tissus. C’est ce qu’on appelle l’œdème cérébral.Les symptômes évoluent en 3 étapes :
- Confusion, perte d’équilibre, somnolence - souvent confondus avec une démence précoce ou une dépression.
- Convulsions, vomissements, maux de tête sévères - signe que le cerveau est en détresse.
- Coma, arrêt respiratoire - si le sodium descend sous 110 mmol/L et reste bas plus de 48 heures, le risque de mort est de 37 %.
Et le pire ? Beaucoup de patients sont d’abord diagnostiqués à tort. Sur les forums de patients, 68 % disent avoir été envoyés chez un psychiatre, traités pour « anxiété » ou « grippe », alors qu’ils avaient un sodium à 112 mmol/L. Sur Drugs.com, 41 % des commentaires négatifs sur les ISRS disent : « Mon médecin ne m’a pas prévenu. »
Comment diagnostiquer une hyponatrémie médicamenteuse ?
Il n’y a pas de test mystérieux. Il faut simplement mesurer le sodium dans le sang - et le faire au bon moment.Voici ce que les spécialistes recommandent :
- Check du sodium dans les 7 jours après le début d’un médicament à risque.
- Refaire l’analyse tous les 3 à 5 jours pendant le premier mois.
- Surveiller particulièrement les patients de plus de 65 ans, les femmes, ceux qui prennent plusieurs médicaments.
Un algorithme développé par le Réseau européen de l’hyponatrémie permet de distinguer une cause médicamenteuse avec 89 % de précision - si on l’applique dans les 24 heures.
La clé ? Poser la question : « Quand a commencé ce symptôme ? » Si c’est après le début d’un nouveau traitement, c’est probablement lié. Pas une maladie mentale. Pas une infection. C’est une urgence électrolytique.
Comment traiter une hyponatrémie sévère ?
Ce n’est pas une question de boire plus d’eau. C’est une question de correction lente et contrôlée.Corriger trop vite peut tuer aussi. Si on remonte le sodium trop rapidement, on risque le syndrome de démyélinisation osmotique - une lésion cérébrale irréversible qui paralyse, rend muet, ou tue. Cela arrive dans 9 % des cas si la correction dépasse 8 mmol/L par jour.
Les bonnes pratiques :
- Arrêter le médicament responsable - dans 78 % des cas, les symptômes disparaissent en quelques jours.
- Corriger le sodium lentement : 4 à 8 mmol/L par 24 heures.
- Utiliser des solutions salées hypertoniques (3 %) en urgence si convulsions ou coma.
- En cas d’hyponatrémie chronique ou récurrente, le tolvaptan (Samsca), approuvé en novembre 2023, permet de faire sortir l’eau sans perdre de sodium.
Le taux de survie est de 92 % si le traitement commence dans les 24 heures. Il tombe à 67 % si on attend plus de 48 heures.
Les erreurs courantes qui tuent
La plupart des décès ne viennent pas de la maladie, mais de l’ignorance.- Ne pas mesurer le sodium au début du traitement. 73 % des cas graves surviennent dans les 30 premiers jours.
- Confondre les symptômes avec une dépression, une démence ou une infection virale.
- Ne pas informer le patient. Sur 1 842 avis sur les ISRS, 41 % disent : « Personne ne m’a dit que c’était possible. »
- Ne pas adapter le traitement chez les personnes âgées. Un diurétique qui va bien à 40 ans peut être mortel à 75.
Le Dr Robert Stern, dans JAMA Internal Medicine (2023), demande : « Pourquoi ne pas rendre obligatoire une analyse de sodium dans les 7 jours après la prescription d’un ISRS ou d’un diurétique ? » La réponse ? Parce que ce n’est pas encore la norme.
Comment prévenir les cas graves ?
La prévention est simple - mais peu appliquée.- Avant de prescrire : vérifier si le patient est âgé, femme, ou prend déjà un autre médicament à risque.
- À la prescription : dire clairement : « Si vous avez des maux de tête, de la confusion, ou des nausées, allez faire un bilan sanguin. Ce n’est pas normal. »
- À la pharmacie : depuis mars 2024, les pharmaciens en Europe doivent donner une fiche d’information sur le risque d’hyponatrémie pour 14 médicaments à risque.
- Dans les hôpitaux : les centres universitaires ont déjà mis en place des protocoles. Les cliniques locales ? Seulement 47 % le font.
Un patient à Lyon a échappé au pire parce que son pharmacien a vu qu’il allait prendre oxcarbazépine et un ISRS. Il a alerté le médecin. Le traitement a été modifié. Sa sœur, elle, a eu des convulsions avec le même cocktail.
Et demain ?
L’hyponatrémie médicamenteuse va augmenter. Avec le vieillissement de la population et la hausse des prescriptions d’antidépresseurs, les cas pourraient grimper de 22 % d’ici 2028.Mais la technologie aide. Mayo Clinic teste un algorithme d’IA qui prédit avec 87 % de précision les risques d’hyponatrémie 72 heures avant les symptômes - en analysant les dossiers médicaux électroniques.
Le message est clair : ce n’est pas une maladie rare. C’est une erreur de soins répétée. Et elle est évitable.
Un sodium bas ne se voit pas. Il se mesure. Et il se prévient.
Quels sont les premiers signes d’une hyponatrémie causée par un médicament ?
Les premiers signes sont souvent discrets : fatigue inhabituelle, nausées, maux de tête, confusion légère ou perte d’équilibre. Ces symptômes sont souvent attribués à une grippe, une dépression ou le vieillissement. Mais s’ils apparaissent dans les 1 à 4 semaines après le début d’un nouveau médicament (comme un ISRS ou un diurétique), c’est un signal d’alerte. Un simple test sanguin peut confirmer ou infirmer une baisse du sodium.
Est-ce que les ISRS sont vraiment dangereux pour le sodium ?
Oui, certains ISRS - comme la sertraline, le citalopram ou la fluoxétine - sont parmi les médicaments les plus fréquemment impliqués dans les cas d’hyponatrémie sévère. Ils provoquent un syndrome de sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH), qui fait retenir l’eau et diluer le sodium dans le sang. Le risque est plus élevé chez les personnes âgées et les femmes. Ce n’est pas une raison d’arrêter le traitement, mais il faut surveiller le sodium dans les 7 jours suivant le début du traitement.
Pourquoi les personnes âgées sont-elles plus à risque ?
Les reins des personnes âgées ne filtrent plus aussi bien l’eau et le sodium. De plus, elles prennent souvent plusieurs médicaments à la fois, ce qui augmente les interactions. Leur corps a aussi moins de masse musculaire et plus de graisse, ce qui change la répartition de l’eau dans l’organisme. Résultat : un petit déséquilibre peut rapidement devenir grave. 61 % des cas d’hyponatrémie sévère concernent des personnes de plus de 65 ans.
Que faire si un proche fait une convulsion après avoir commencé un nouveau médicament ?
C’est une urgence médicale. Appelez le 15 ou rendez-vous aux urgences immédiatement. Ne cherchez pas à diagnostiquer vous-même. Dites clairement au personnel médical : « Il/elle a commencé un nouveau médicament il y a quelques semaines, et voilà ce qui vient de se passer. » Le sodium doit être mesuré en urgence. Une correction rapide mais contrôlée peut sauver la vie et éviter des lésions cérébrales permanentes.
Peut-on reprendre le médicament après une hyponatrémie ?
Cela dépend du médicament et de la situation. Pour un diurétique, on peut souvent le remplacer par un autre. Pour un antidépresseur essentiel, la reprise est parfois possible - mais seulement après une surveillance stricte du sodium, et avec un ajustement de la dose. Dans 33 % des cas où l’ISRS doit être réutilisé, l’hyponatrémie réapparaît. Il n’y a pas de réponse unique : chaque cas doit être évalué individuellement par un médecin.