Alopecia Areata : Perte de cheveux auto-immune et options de traitement

Alopecia Areata : Perte de cheveux auto-immune et options de traitement
2 déc., 2025
par Jacqueline Bronsema | déc., 2 2025 | Santé & Bien-être | 1 Commentaires

Qu’est-ce que l’alopecia areata ?

L’alopecia areata est une maladie auto-immune qui fait perdre les cheveux en plaques nettes, souvent en forme de pièce de monnaie. Contrairement à la calvitie androgénétique, où les cheveux s’affinent progressivement, ici, les follicules sont attaqués par le système immunitaire sans être détruits. C’est pourquoi les cheveux peuvent repousser, même après une perte totale. Cette maladie touche 0,1 à 0,2 % de la population mondiale, soit environ 6,8 millions d’Américains au cours de leur vie. En France, on estime qu’au moins 60 000 personnes en sont affectées, sans distinction de sexe ou d’âge, même si la moitié des cas apparaissent avant 40 ans.

Comment se manifeste-t-elle ?

Les premiers signes sont souvent des zones rondes ou ovales totalement dépourvues de poils, sur le cuir chevelu, la barbe, les sourcils ou les cils. La peau sous les plaques est lisse, sans rougeur, ni squames, ni cicatrice. Ce qui rend l’alopecia areata si troublante, c’est son apparition soudaine. Beaucoup de patients se réveillent un matin avec une touffe de cheveux en moins, sans raison apparente. Certains ressentent une légère brûlure, une démangeaison ou une sensation de picotement quelques jours avant la chute. Dans 10 à 50 % des cas, les ongles sont aussi touchés : des petites dépressions (pitting), une surface rugueuse (trachyonychia) ou une lunule rougeâtre apparaissent.

La forme la plus courante est l’alopecia areata patchy. Mais il existe des variantes plus sévères : l’alopecia totalis (perte totale des cheveux du cuir chevelu), l’alopecia universalis (perte de tous les poils du corps, y compris les cils et les sourcils), et l’ophiasis, où les cheveux tombent en forme de bande autour des tempes et de la nuque. Ces formes sont rares, mais beaucoup plus difficiles à traiter.

Pourquoi cela arrive-t-il ?

L’alopecia areata n’est pas une question de stress, de mauvaise alimentation ou de shampoing trop agressif. C’est une erreur du système immunitaire. Normalement, les follicules pileux bénéficient d’une « protection immunitaire » : le corps les ignore, comme s’ils étaient des organes étrangers. Dans l’alopecia areata, cette protection s’effondre. Des cellules immunitaires, principalement des lymphocytes T CD8+, s’accumulent autour de la racine des cheveux comme une nuée d’abeilles, et les attaquent. Les follicules entrent alors en phase de repos prématurée (catagène ou télogène), au lieu de continuer à pousser (phase anagène). Résultat : les cheveux tombent, mais les follicules restent vivants - ce qui laisse une chance de repousse.

Des études génétiques ont identifié des marqueurs comme les gènes ULBP3/6, qui semblent déclencher cette réaction anormale. Ce n’est pas héréditaire à 100 %, mais avoir un parent proche atteint augmente le risque. Des facteurs comme les infections virales ou un stress intense peuvent déclencher la maladie chez les personnes prédisposées.

Dermatologue examinant le cuir chevelu avec un dermatoscope, des cheveux en forme de point d'exclamation visibles.

Comment diagnostique-t-on l’alopecia areata ?

Un dermatologue peut souvent poser le diagnostic au premier coup d’œil. La forme typique est très reconnaissable. Pour confirmer, il peut utiliser un dermatoscope - un petit appareil qui agrandit le cuir chevelu. Il cherche des poils en forme de point d’exclamation (exclamation mark hairs), des cheveux courts et épaissis à leur base, qui sont un signe classique de l’attaque auto-immune. Dans certains cas, une biopsie du cuir chevelu est faite, mais c’est rare. Il n’existe pas de test sanguin spécifique, car ce n’est pas une maladie inflammatoire comme le lupus.

Quels sont les traitements disponibles ?

Il n’y a pas de guérison définitive, mais plusieurs options peuvent aider à faire repousser les cheveux. Le choix dépend de la gravité, de l’âge, et de la réponse aux traitements précédents.

Injections de corticoïdes : la première ligne pour les plaques limitées. On injecte du triamcinolone directement dans les zones chauves, toutes les 4 à 6 semaines. 60 à 67 % des patients voient une repousse après 3 à 4 séances. C’est rapide, efficace, mais douloureux. Il faut être patient : les cheveux repoussent souvent en blanc ou en gris au début, puis retrouvent leur couleur.

Corticoïdes topiques : lotions ou crèmes à base de béthaméthasone à 0,1 %. Moins efficaces (25-30 %), mais sans douleur. Il faut les appliquer quotidiennement pendant 6 à 12 mois avant de voir un résultat. Pas adapté aux grandes zones.

Immunothérapie de contact : on applique du DPCP (diphénylcyclopropénone) sur le cuir chevelu une fois par semaine. Cela provoque une réaction allergique contrôlée, qui détourne l’attaque immunitaire des follicules. Efficace chez 30 à 60 % des patients, mais il faut 6 à 12 mois, et les effets secondaires (rougeur, démangeaisons fortes) font fuir beaucoup de monde.

Inhibiteurs JAK : la révolution des dernières années. Le baricitinib (Olumiant) a été approuvé par la FDA en juin 2022 pour les formes sévères. Dans les essais, 35,6 % des patients ont retrouvé 80 % de leurs cheveux en 36 semaines. En juin 2023, un autre médicament, le ritlecitinib, a reçu l’approbation aux États-Unis avec des résultats similaires. Ces comprimés agissent sur la voie immunitaire à la source, pas seulement sur les symptômes. Mais ils coûtent entre 10 000 et 15 000 € par mois, et la plupart des assurances les refusent en France. Ils ne sont pas encore disponibles en vente libre.

Quels sont les risques et limites des traitements ?

La grande difficulté avec l’alopecia areata, c’est son caractère imprévisible. Même avec un traitement efficace, 75 % des patients voient les cheveux retomber dans l’année après l’arrêt du médicament. Les inhibiteurs JAK ne guérissent pas la maladie, ils la calment. Et ils ont des effets secondaires : risque accru d’infections, de caillots sanguins, ou de troubles du foie. Ils sont réservés aux cas sévères.

Le minoxidil, très populaire pour la calvitie, est presque inutile dans l’alopecia areata. Seulement 0 à 15 % de réussite chez les formes étendues. Beaucoup de patients perdent espoir après avoir essayé des shampoings, des compléments alimentaires ou des huiles essentielles. Ces solutions n’ont aucune preuve scientifique, mais elles sont vendues comme des « remèdes naturels » - ce qui peut retarder un vrai traitement.

Trois personnes avec différentes formes d'alopecia areata, souriant ensemble dans un parc, des cheveux qui repoussent en blanc.

Quel impact psychologique ?

On oublie souvent que l’alopecia areata n’est pas une maladie mortelle… mais qu’elle peut détruire la vie. Selon des études de l’Institut National de la Santé (NIH), c’est la maladie dermatologique qui cause le plus de souffrance psychologique - plus que le psoriasis ou l’eczéma. 30 % des patients développent une anxiété modérée à sévère. 28 % souffrent de dépression clinique. Sur les forums, des personnes racontent avoir évité la piscine, les fêtes, ou même leur travail parce qu’elles avaient honte de leur apparence. Une étude de la National Alopecia Areata Foundation montre que 42 % des patients ne vont plus à la plage. Ce n’est pas une question de « beauté » : c’est une question d’identité, de confiance, de regard des autres.

Que faire si vous êtes concerné ?

Ne vous isolez pas. Rejoignez une communauté. Des groupes comme Alopecia Areata Support Group ou Alopecia UK offrent un soutien précieux. Parler à quelqu’un qui a vécu la même chose change tout. Certains patients disent que voir leur cheveux repousser en gris, puis revenir à leur couleur naturelle, a été « magique » - un moment de renaissance.

Consultez un dermatologue spécialisé dès les premières plaques. Plus tôt vous agissez, plus vous avez de chances de limiter l’extension. Ne perdez pas votre temps avec des produits non prouvés. Si vous avez des plaques étendues, demandez à votre médecin si vous êtes éligible aux inhibiteurs JAK. En France, des essais cliniques sont en cours, et certains hôpitaux universitaires peuvent vous y inscrire.

Et si les cheveux ne repoussent pas ? Il existe des solutions esthétiques : perruques de qualité, extensions naturelles, micro-pigmentation du cuir chevelu. Ce ne sont pas des traitements, mais ils peuvent redonner un sentiment de contrôle. La vie ne s’arrête pas parce que les cheveux tombent.

Que nous réserve l’avenir ?

La recherche avance vite. À l’Université de Columbia, des scientifiques développent des tests génétiques pour prédire qui répondra aux inhibiteurs JAK - avant même de les prendre. D’autres études explorent des thérapies combinées : corticoïdes + JAK + thérapie comportementale. La National Alopecia Areata Foundation vise une réduction de 50 % du fardeau de la maladie d’ici 2030.

Le futur n’est pas dans une pilule miracle, mais dans une approche personnalisée : un traitement adapté à votre profil génétique, à votre histoire, à votre vécu. Et surtout, dans une reconnaissance plus large de l’impact psychologique. L’alopecia areata n’est pas une question de cheveux. C’est une question d’humanité.

L’alopecia areata peut-elle disparaître toute seule ?

Oui, dans 80 % des cas de formes légères (quelques plaques), les cheveux repoussent spontanément dans les 12 mois, sans traitement. Mais pour les formes étendues (totalis ou universalis), la repousse spontanée est rare - seulement 10 % des patients retrouvent tous leurs cheveux sans aide médicale.

Les inhibiteurs JAK sont-ils disponibles en France ?

Baricitinib et ritlecitinib sont approuvés en Europe, mais leur accès est très limité en France. Ils ne sont pas remboursés pour l’alopecia areata, sauf dans des essais cliniques ou en cas de demande exceptionnelle par un dermatologue. Le coût mensuel dépasse 10 000 €, ce qui rend leur usage inaccessible pour la plupart des patients.

Est-ce que le stress cause l’alopecia areata ?

Non, le stress ne cause pas la maladie, mais il peut la déclencher chez les personnes déjà prédisposées génétiquement. C’est un facteur déclencheur, pas la cause racine. Une infection, un choc émotionnel ou même une grossesse peuvent provoquer un premier épisode.

Les cheveux repoussent-ils avec la même couleur ?

Souvent, non. Au début, les nouveaux cheveux sont blancs, gris ou plus fins. C’est normal. La pigmentation revient progressivement, sur plusieurs mois. Certains patients disent que leur cheveux repoussent plus épais ou plus foncés qu’avant.

Faut-il éviter les produits capillaires ?

Non. Les shampoings, colorations ou coiffures n’aggravent pas l’alopecia areata. Vous pouvez continuer à vous coiffer normalement. En revanche, évitez les traitements agressifs (décolorations, lissages chimiques) sur les zones où les cheveux sont encore présents - ils peuvent fragiliser les follicules sains.

1 Commentaires

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    Lydie Van Heel

    décembre 4, 2025 AT 04:59

    Je suis tombée sur cet article en cherchant des infos pour une amie. C’est la première fois que je vois une explication aussi claire et humaine de l’alopecia areata. Merci pour le travail de fond.
    Je suis touchée par ce que tu dis sur l’impact psychologique. C’est une maladie invisible, mais elle pèse comme un poids sur les épaules.
    Je ne savais pas que les cheveux repoussaient souvent en blanc avant de reprendre leur couleur. C’est à la fois magique et triste.
    Je vais lui envoyer ça.

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