Impact environnemental du rinçage des médicaments et alternatives sûres

Impact environnemental du rinçage des médicaments et alternatives sûres
19 déc., 2025
par Jacqueline Bronsema | déc., 19 2025 | Santé & Bien-être | 2 Commentaires

Vous avez peut-être déjà jeté un médicament périmé dans les toilettes parce que c’était facile. Mais ce geste simple a des conséquences invisibles, profondes et durables sur l’environnement. Chaque année, des tonnes de substances pharmaceutiques finissent dans nos rivières, nos nappes phréatiques et même notre eau potable - pas seulement à cause de l’urine des patients, mais aussi parce que des millions de personnes jettent leurs pilules directement dans les toilettes ou l’évier. Ce n’est pas une hypothèse lointaine : des études ont détecté des traces d’antibiotiques, d’anti-inflammatoires et d’hormones dans plus de 80 % des cours d’eau aux États-Unis. En France, les données sont moins publiées, mais les mêmes mécanismes s’appliquent. Et ce n’est pas juste une question de « quelques molécules » : c’est une contamination systématique qui perturbe la vie aquatique, favorise la résistance aux antibiotiques, et pourrait un jour affecter notre santé.

Comment les médicaments arrivent-ils dans l’eau ?

La plupart des gens pensent que l’eau usée est purifiée avant d’être rejetée dans la nature. Ce n’est pas tout à fait vrai. Les stations d’épuration classiques sont conçues pour éliminer les déchets solides, les bactéries et les nutriments. Elles ne sont pas équipées pour capter les petites molécules de médicaments. Quand vous avalez une pilule, seulement 20 à 30 % de l’ingrédient actif est absorbé par votre corps. Le reste est éliminé par l’urine ou les selles - et finit directement dans les égouts. Mais ce n’est pas la seule voie. Beaucoup de gens jettent les médicaments non utilisés dans les toilettes, surtout s’ils pensent que c’est la méthode la plus hygiénique. D’autres les jettent à la poubelle, où ils peuvent fuir des décharges et contaminer les sols et les nappes phréatiques par le lixiviat.

Des études ont montré que certains médicaments, comme l’acétaminophène, peuvent atteindre des concentrations de plus de 100 000 nanogrammes par litre dans les lixiviats de décharges. Le diclofénac, un anti-inflammatoire courant, est détecté dans les rivières en Europe depuis plus de dix ans. Même à des concentrations inférieures à 100 ng/L, ces substances ont des effets biologiques mesurables : des poissons mâles développent des œufs, des amphibiens changent de sexe, et des bactéries aquatiques développent une résistance aux antibiotiques. C’est ce qu’on appelle la pollution pharmaceutique - et elle est partout.

Les médicaments les plus dangereux pour l’environnement

Tous les médicaments ne se comportent pas de la même manière dans l’environnement. Certains se dégradent rapidement, d’autres persistent pendant des années. Les plus préoccupants sont :

  • Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : acétaminophène, ibuprofène, diclofénac, naproxène. Ces substances sont très courantes, utilisées en grande quantité, et peu dégradées par les stations d’épuration.
  • Les antibiotiques : ciprofloxacine, lévofloxacine, amoxicilline. Leur présence dans l’eau favorise l’émergence de bactéries résistantes, ce qui menace l’efficacité des traitements médicaux futurs.
  • Les hormones : contraceptifs oraux contenant des œstrogènes synthétiques. Elles perturbent le système endocrinien des poissons et des amphibiens, provoquant des anomalies de reproduction.
  • Les opioïdes : fentanyl, oxycodone. Bien que leur impact environnemental soit moindre que leur risque de diversion, leur présence dans l’eau reste un sujet de préoccupation pour les autorités.

La plupart de ces substances ne sont pas éliminées par les traitements classiques. Certaines se transforment même en composés plus toxiques après traitement. Par exemple, le diclofénac peut se transformer en un dérivé plus persistant et plus dangereux pour les organismes aquatiques.

La liste « flush » de la FDA : une exception ou une erreur ?

La FDA américaine a publié une liste de médicaments qu’elle autorise à être jetés dans les toilettes - seulement 15 substances, principalement des opioïdes à haut risque de surdose. L’idée est simple : si un enfant ou un adulte trouve une pilule d’oxycodone dans la poubelle, il peut la consommer par erreur, voire en mourir. Dans ce cas, la FDA estime que le risque immédiat pour la santé publique dépasse le risque environnemental.

Mais cette logique crée une confusion massive. Beaucoup de gens pensent que si certains médicaments peuvent être jetés aux toilettes, alors tous le peuvent. Ce n’est pas le cas. Seuls ces 15 médicaments sont concernés. Pour les 99 % restants - y compris les antibiotiques, les antidépresseurs, les antihypertenseurs - le rinçage est à éviter absolument. Cette exception, bien intentionnée, complique la compréhension du public. Une étude de 2021 a montré que 42 % des Américains pensaient qu’il était acceptable de rincer n’importe quel médicament périmé, simplement parce qu’ils avaient entendu parler de la liste « flush ».

Une femme dépose des médicaments périmés dans une boîte de collecte en pharmacie française.

Les alternatives : que faire avec vos médicaments périmés ?

Il existe des solutions plus sûres, plus efficaces, et déjà disponibles - même si elles ne sont pas encore partout.

1. Les points de reprise (take-back)

C’est la meilleure solution. Les pharmacies, les hôpitaux et certains centres de police proposent des boîtes de collecte pour les médicaments non utilisés. Ces médicaments sont ensuite incinérés dans des installations spécialisées, sans risque de contamination. En France, les pharmacies sont tenues de proposer cette collecte depuis 2022. Mais beaucoup de gens ne le savent pas. Selon une enquête de l’ANSM, seulement 35 % des Français savent qu’ils peuvent rapporter leurs médicaments en pharmacie.

En 2023, il y avait plus de 12 000 points de collecte en France. Si vous ne savez pas où aller, rendez-vous sur le site de l’ANSM ou demandez directement à votre pharmacien. C’est gratuit, sécurisé, et écologique.

2. La méthode de l’EPA : mélanger et jeter à la poubelle

Si vous n’avez pas accès à un point de reprise, l’Agence de protection de l’environnement américaine (EPA) recommande une méthode simple :

  1. Sortez les pilules de leur emballage original.
  2. Mélangez-les avec un matériau désagréable : marc de café, litière pour chat, ou terre de jardin.
  3. Mettez le tout dans un sac hermétique ou un contenant scellé.
  4. Jetez le sac à la poubelle ordinaire.

Cette méthode ne supprime pas la pollution - elle la limite. Les médicaments finissent toujours dans les décharges, mais ils sont moins accessibles aux enfants, aux animaux, et moins susceptibles d’être lavés par les pluies. C’est un compromis, mais c’est mieux que de les rincer.

3. Les dégradeurs domestiques : une solution en développement

Des produits comme Drug Buster ou Med-Return permettent de dégrader les médicaments à la maison avec des poudres chimiques. Ils sont efficaces - jusqu’à 95 % de dégradation en 24 heures - mais coûteux (environ 30 € l’unité) et peu disponibles en France. Leur usage exige aussi un suivi rigoureux. Pour l’instant, ce ne sont pas des solutions de masse, mais elles pourraient devenir utiles dans les zones rurales ou isolées.

Pourquoi les programmes de reprise ne fonctionnent-ils pas mieux ?

Le problème n’est pas technique - c’est culturel. Les gens ne savent pas quoi faire. Ils pensent que les médicaments périmés sont inoffensifs s’ils sont dans un tiroir. Ils croient que les pharmacies ne veulent pas les reprendre. Ils ignorent que les déchets pharmaceutiques sont classés comme déchets dangereux, et que leur élimination doit être encadrée.

En 2023, seulement 20 % des médicaments non utilisés en France étaient rapportés en pharmacie. Le reste a été conservé (45 %), jeté à la poubelle (25 %), ou rincé (10 %). La faute ? Un manque d’information claire, de campagnes de sensibilisation, et d’accessibilité. Dans les zones rurales, la pharmacie la plus proche peut être à plus de 20 km. Et les points de collecte ne sont pas toujours ouverts en soirée ou le week-end.

La solution ? Des campagnes nationales, des affiches dans les pharmacies, des rappels sur les ordonnances, et des points de collecte dans les mairies ou les centres de santé. En Suède, où les programmes de reprise sont bien intégrés, plus de 70 % des médicaments non utilisés sont ramenés en pharmacie. C’est possible.

Une rivière polluée par un déchet pharmaceutique, avec une famille qui jette correctement ses médicaments.

Le rôle des fabricants : et si les médicaments devenaient responsables ?

En Europe, une loi appelée « Extended Producer Responsibility » (EPR) oblige les fabricants de médicaments à financer et organiser la collecte de leurs produits à la fin de leur vie. En France, cette obligation est en cours de mise en œuvre. L’idée est simple : si vous vendez un médicament, vous êtes aussi responsable de son élimination.

Cela pourrait changer la donne. Les laboratoires pourraient concevoir des emballages plus faciles à recycler, proposer des kits de reprise avec les ordonnances, ou même réduire la quantité de pilules prescrites. En Allemagne, des études montrent que réduire la quantité de médicaments prescrits - en évitant les surprescriptions - diminue les déchets de 30 %.

La prévention est la clé. Il ne s’agit pas seulement de gérer les déchets - il faut éviter de les produire.

Que faire maintenant ? Votre checklist simple

Voici ce que vous pouvez faire dès aujourd’hui :

  • Ne jetez jamais de médicaments dans les toilettes ou l’évier. Même si c’est pratique, c’est la pire option.
  • Consultez votre pharmacie. Demandez s’ils ont un point de reprise. Si non, demandez pourquoi - et insistez.
  • Nettoyez votre armoire à pharmacie une fois par an. Jetez les médicaments périmés, les pilules ouvertes depuis plus de 6 mois, et les traitements que vous n’avez pas pris.
  • Utilisez la méthode EPA si nécessaire. Mélangez avec du marc de café ou de la litière, scellez, jetez à la poubelle.
  • Parlez-en à votre entourage. Vos parents, vos amis, vos voisins - ils ne savent peut-être pas non plus.

Chaque pilule rapportée en pharmacie, c’est une molécule en moins dans nos rivières. Ce n’est pas une question de grandiloquence - c’est une question de simple responsabilité. Nous ne pouvons pas arrêter les excrétions humaines. Mais nous pouvons arrêter de les amplifier par nos gestes quotidiens.

Et demain ?

Les technologies de traitement avancées - comme la filtration au charbon actif ou l’ozone - peuvent éliminer jusqu’à 95 % des médicaments dans les eaux usées. Mais elles coûtent entre 500 000 et 2 millions d’euros par station. Ce n’est pas une solution pour tous les villages. La seule approche durable, c’est de réduire la quantité de médicaments qui arrivent dans les égouts en premier lieu.

Le futur ne dépend pas seulement des ingénieurs ou des politiques. Il dépend de vous. De ce que vous faites avec votre boîte de paracétamol périmée. De ce que vous dites à votre médecin quand il vous prescrit un traitement de trois mois pour une douleur passagère. De ce que vous faites quand vous trouvez une pilule dans un tiroir oublié.

Le changement commence par un geste. Et il se propage.

Pourquoi ne pas jeter les médicaments à la poubelle sans les mélanger ?

Jeter les médicaments à la poubelle sans les mélanger présente deux risques : ils peuvent être récupérés par des enfants ou des animaux, ou être lavés par les pluies et finir dans les sols et les nappes phréatiques. En les mélangeant à un matériau désagréable comme du marc de café ou de la litière, vous les rendez inaccessibles et moins attrayants pour une récupération accidentelle ou intentionnelle.

Les médicaments liquides peuvent-ils être jetés aux toilettes ?

Non, jamais. Les liquides se dispersent plus rapidement dans les canalisations et atteignent les cours d’eau plus facilement que les comprimés. Même si la bouteille est vide, versez le reste dans un récipient avec du marc de café, scellez-le, puis jetez-le à la poubelle. Rincez la bouteille avant de la recycler.

Les médicaments sans ordonnance peuvent-ils être jetés comme les autres ?

Oui. Les médicaments sans ordonnance (paracétamol, ibuprofène, vitamines, etc.) sont tout aussi polluants que les médicaments sur ordonnance. Ils contiennent les mêmes ingrédients actifs et ont les mêmes effets sur l’environnement. Tous doivent être rapportés en pharmacie ou traités selon la méthode EPA.

Les comprimés en blister peuvent-ils être recyclés avec le plastique ?

Non. Les blisters sont composés d’un mélange de plastique et d’aluminium, difficile à recycler. Enlevez les comprimés, puis jetez le blister à la poubelle. Les emballages vides sans médicaments peuvent parfois être recyclés dans des points spécifiques, mais ce n’est pas courant en France. Vérifiez auprès de votre déchetterie.

La France a-t-elle des programmes de reprise comme le Canada ou la Suède ?

Oui, mais ils sont moins connus. Depuis 2022, toutes les pharmacies françaises doivent proposer un point de collecte pour les médicaments périmés. Il n’y a pas encore de campagne nationale massive, mais les points existent. Utilisez le site de l’ANSM ou demandez à votre pharmacien. La Suède et le Canada ont des taux de reprise plus élevés parce qu’ils ont rendu la collecte obligatoire et visible - la France est en train de suivre ce modèle.

2 Commentaires

  • Image placeholder

    Suzanne Brouillette

    décembre 20, 2025 AT 10:01

    C’est fou comment on fait des trucs sans réfléchir… J’ai toujours jeté mes pilules aux toilettes parce que c’était « propre » 😅 Merci pour ce rappel, je vais tout de suite rapporter ce qui me reste en pharmacie !

  • Image placeholder

    Jérémy Dabel

    décembre 20, 2025 AT 21:15

    je savais pas que les stations depuration captaient pas les meds… j’pensais que c’était comme les ordures, elles disparaisaient magiquement 🤦‍♂️ bon du coup j’ai une boite de diclofénac qui traîne dans mon armoire… je vais la ramener demain

Écrire un commentaire

Les champs marqués d'un astérisque (*) sont obligatoires. Votre Email ne sera pas publiée*