Quand un médicament de marque perd sa protection brevetée, les patients ont plusieurs options : le produit d’origine, un générique classique, ou un générique autorisé. Mais que choisissent réellement les patients ? Et pourquoi ? La réponse n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît.
Qu’est-ce qu’un générique autorisé ?
Un générique autorisé n’est pas un générique comme les autres. Il est fabriqué par la même entreprise qui produit le médicament de marque, dans le même laboratoire, avec les mêmes ingrédients actifs et inactifs, dans les mêmes conditions. La seule différence ? Il n’a pas le nom de la marque sur l’emballage. Il est vendu sous son nom chimique, comme un générique, mais c’est en réalité le produit original, juste débarrassé de son branding.
Contrairement aux génériques traditionnels, qui doivent prouver leur équivalence bioéquivalente à la FDA via un processus long et coûteux (ANDA), les génériques autorisés bénéficient du dossier d’autorisation initial du médicament de marque (NDA). Cela signifie qu’ils entrent sur le marché beaucoup plus vite - souvent dès le premier jour où le brevet expire.
En France, ce modèle est moins courant qu’aux États-Unis, mais il existe. Dans les pays où il est utilisé, il représente entre 10 et 15 % des médicaments génériques disponibles. En 2023, près de 12 % de tous les médicaments génériques dispensés aux États-Unis étaient des génériques autorisés, contre seulement 8 % en 2015. Leur part continue d’augmenter.
Pourquoi les patients préfèrent-ils les génériques autorisés ?
Les patients ne choisissent pas toujours activement entre les différents types de génériques. La plupart du temps, c’est leur pharmacie ou leur assurance qui décident. Mais quand ils ont le choix, ou quand ils comprennent ce qu’on leur donne, leurs préférences deviennent claires.
Une étude de 2018, menée avec 210 000 patients et publiée dans le BMJ, a suivi les comportements après un changement de médicament. Résultat : les patients qui passaient du médicament de marque à un générique autorisé étaient moins nombreux à revenir au produit original. Seulement 22,3 % ont demandé à revenir en arrière. Pour les génériques classiques, ce taux était de 28,7 %.
Pourquoi cette différence ? Parce que les génériques autorisés sont identiques. Même forme, même couleur, même goût, même emballage - sauf le nom. Les patients n’ont pas l’impression de « recevoir un autre médicament ». Ils ne craignent pas que les ingrédients inactifs changent, ce qui peut parfois causer des effets secondaires mineurs avec les génériques classiques : une réaction à un colorant, un excipient différent, une libération plus lente.
Un sondage de Consumer Reports en 2022 l’a confirmé : sur 1 200 patients, 78 % n’ont pas pu distinguer un générique autorisé du médicament de marque quand on leur a présenté les comprimés sans étiquette. Pour les génériques classiques, ce chiffre tombait à 52 %. Autrement dit, les patients sentent la différence - et ils préfèrent ce qui leur semble le plus proche de ce qu’ils connaissent.
Et le prix ? Le vrai frein à l’adoption
Les génériques autorisés sont moins chers que les médicaments de marque - mais pas aussi bon marché que les génériques traditionnels. Pendant les 180 premiers jours après l’expiration du brevet, ils réduisent les prix de 4 à 8 % en vente au détail. Mais les génériques classiques, une fois qu’ils entrent en concurrence à grande échelle, peuvent descendre jusqu’à 30 à 50 % en dessous du prix de la marque.
Après la période d’exclusivité, les patients basculent massivement vers les génériques classiques. Les données d’AmerisourceBergen montrent qu’ils capturent alors entre 65 et 75 % du marché. Pourquoi ? Parce que le prix devient le critère principal. Une ordonnance de 30 jours peut coûter 5 € avec un générique classique, et 12 € avec un générique autorisé. Pour les patients sans couverture complète, ou avec un ticket modérateur élevé, 7 € de différence, c’est beaucoup.
Un patient atteint de diabète qui prend un médicament tous les jours ne va pas payer 7 € de plus chaque mois pour un produit « identique » s’il n’y a pas de différence perceptible dans son bien-être. La logique économique l’emporte sur la psychologie.
Les compagnies pharmaceutiques ont-elles un intérêt caché ?
Les génériques autorisés ne sont pas seulement une réponse aux patients. Ce sont aussi une arme stratégique pour les fabricants de médicaments de marque.
La Federal Trade Commission (FTC) a révélé en 2011 que certaines entreprises utilisent la menace de lancer un générique autorisé pour pousser les fabricants de génériques à reporter leur entrée sur le marché. En d’autres termes : « Si tu ne renonces pas à ton générique, nous en lançons un nous-mêmes - et tu perdras tout. »
Cela a un impact direct sur la concurrence. Pendant les 180 jours d’exclusivité, les génériques autorisés peuvent réduire les revenus des autres fabricants de génériques de jusqu’à 30 %. C’est un moyen efficace de maintenir une part de marché, même après la perte du brevet.
Le Dr Charles Kohler, porte-parole de la FDA, a souligné que ce système est légal - mais qu’il doit être déclaré. La FDA exige que le fabricant du médicament de marque informe l’agence lorsqu’il commercialise un générique autorisé. Pourtant, beaucoup de patients, et même certains pharmaciens, ne savent pas qu’ils en dispensent un.
Comment identifier un générique autorisé ?
Sur une ordonnance, vous ne verrez pas « générique autorisé ». Vous verrez le nom chimique du médicament. Pour savoir si c’est un générique autorisé, il faut vérifier la base de données de la FDA, la liste « Products with No Applicant ». C’est là que sont inscrits les médicaments vendus sous le NDA du fabricant d’origine.
Les pharmaciens doivent apprendre à les reconnaître. Dans les pharmacies américaines, un guide publié en 2021 par US Pharmacist recommande de consulter cette liste chaque mois. En France, ce système est rare, mais si un patient demande un générique « identique à la marque », il faut savoir ce que cela signifie.
Les patients qui se renseignent peuvent demander à leur pharmacien : « Est-ce que ce médicament est fabriqué par la même entreprise que la marque ? » Si la réponse est oui, alors c’est probablement un générique autorisé.
Que choisir : générique autorisé ou générique classique ?
Il n’y a pas de bonne réponse universelle. Cela dépend de trois facteurs : votre budget, votre sensibilité aux excipients, et votre confiance dans la stabilité du traitement.
- Si vous avez un bon remboursement et que vous voulez éviter tout risque de changement de perception (forme, goût, effet), choisissez le générique autorisé. Il est le plus proche de ce que vous connaissiez.
- Si le prix est un enjeu majeur - surtout après les 180 premiers jours - le générique classique est souvent la meilleure option. Il est plus cher à produire pour les entreprises, mais bien moins cher pour vous.
- Si vous avez déjà eu des réactions à un générique classique (maux de tête, nausées, troubles digestifs), demandez à votre médecin ou pharmacien si un générique autorisé est disponible. Il pourrait éviter ces problèmes.
En résumé : les patients n’ont pas besoin de choisir entre un médicament « meilleur » et un « moins bon ». Ils choisissent entre un médicament identique et un médicament très proche. Le choix dépend de ce qu’ils valorisent : la sécurité psychologique ou le prix.
Et demain ?
Les génériques autorisés ne vont pas disparaître. Au contraire. Selon Evaluate Pharma, ils pourraient représenter jusqu’à 18 % du marché des génériques d’ici 2028. Les grandes entreprises comme Pfizer, Merck et AbbVie les utilisent de plus en plus pour prolonger leurs revenus après l’expiration des brevets.
Le problème ? Certains experts craignent qu’ils freinent la concurrence réelle. Si les fabricants de génériques ne peuvent pas entrer sur le marché parce qu’un générique autorisé est déjà là, les prix ne baissent pas autant qu’ils le devraient. Le Bureau du Budget du Congrès américain a estimé que si cette tendance continue, les bénéficiaires de Medicare pourraient payer 1,2 milliard de dollars de plus chaque année d’ici 2027.
La FDA travaille actuellement à une nouvelle directive pour mieux informer les patients. Mais pour l’instant, l’information reste cachée dans les bases de données, loin des boîtes de médicaments.
Les patients ne demandent pas toujours à comprendre comment fonctionne le système. Mais quand ils le comprennent, ils choisissent mieux. Et ce n’est pas seulement une question de prix. C’est une question de confiance.